Bonnes intentions et Histoire ne font pas forcément bon ménage : la preuve avec FREE STATE OF JONES et sa narration contestable.
En pleine guerre de Sécession, l’infirmier Newton Knight (Matthew McConaughey) déserte et va devenir le leader d’autres déserteurs et d’esclaves luttant tous pour leur liberté, contre les autorités confédérées. Bientôt, les rebelles fondent l’État libre du Comté de Jones et affrontent les armées sudistes… Avec le destin légendaire de Newton Knight, Gary Ross semble vouloir autant revenir sur des faits réels, se pencher sur le passé et son poids sur le présent, qu’examiner des préoccupations profondément actuelles. La deuxième partie de son credo fonctionne par moments : les valeurs que semblent exalter certains des personnages et les colères qui nourrissent leur révolte donnent à FREE STATE OF JONES une force partielle, même si certains dialogues en la matière apparaissent particulièrement didactiques – « Le pauvre se bat dans la guerre du riche », « On crève pour qu’ils restent riches », « C’est puissant, la peur ». En ces temps où l’Amérique se débat avec ses vieux démons dans une campagne présidentielle de tous les dangers, difficile de reprocher à Gary Ross de rappeler, même lourdement, ce qui l’anime, l’effraie et l’indigne. Malheureusement, FREE STATE OF JONES se fait bien plus problématique dans son cœur-même, à savoir l’histoire de Knight et les principes qu’il lui attribue. Peut-être aveuglé par ses propres idées, Ross oublie de donner à son personnage la moindre complexité. Sombrant très rapidement dans l’hagiographie – voire dans un très gênant schéma paternaliste –, FREE STATE OF JONES oublie sans ciller l’ambiguïté qui entoure, encore aujourd’hui, la figure de Newton Knight. Alors que certains historiens pensent que le Comté de Jones n’a jamais quitté la Confédération, Ross fait de Knight un opposant ferme aux États sudistes. De même, dans un élan de simplisme, le film, qui d’un côté insiste maladroitement sur l’anti-racisme de Knight, oublie de préciser que son épouse est une ancienne esclave de son grand- père. Des approximations et simplifications manichéennes qui privent FREE STATE OF JONES de toute nuance. À cela s’ajoute une narration lourdaude (une multiplication contre-productive de cartons explicatifs) et bancale où surgissent des flashforwards incongrus, insérés au forceps, revenant superficiellement sur le procès d’un descendant de Knight – étant « au huitième noir », les autorités sudistes des années 1950 le poursuivent pour avoir épousé une blanche. Un manque de rigueur qui contraste avec le talent de Ross pour regarder l’horreur et la tragédie de front, seul élément vraiment marquant du film.
De Gary Ross. Avec Matthew McConaughey, Gugu Mbatha-Raw, Mahershala Ali. États-Unis. 2h19. Sortie le 14 septembre
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